Selon Wickman, « la littérature est formellement, un exercice révélateur : à travers elle, nous voyons le monde sous un jour nouveau. » Nous savons également que le roman propose des expériences indirectes qui sont psychologiquement pertinentes, mais qui portent davantage sur la culture des sentiments que sur l’orientation de l’action. Le roman de Cheikhna Diop « L’ESPOIR D’UNE VIE HEUREUSE » ne fait pas exception. A travers ce livre au style dépouillé et très remarqué, nous comprenons tout de suite que l’acte créateur est une activité de notre vie intérieure, guidé par une profonde pensée qui prend appui sur les affres de la vie mais que l’auteur essaye de véhiculer avec passion.

Ce roman, publié chez Mintou Editions, en 2024, compte 146 pages. Son auteur, Cheikhna Diop, est non seulement un brillant pédagogue enseignant mais aussi un artiste qui a su mobiliser son talent et son « audace », pour reprendre le préfacier du livre, dans la perspective de célébrer la vie, sous ses différentes facettes. Dans cet exercice, J’éviterai de raconter l’histoire ou d’insister sur l’intrigue, encore moins le décor. Il s’agira plutôt de commenter le sens global du récit.

Un amour recherché mais avec un espoir impossible

Dans une époque où la capacité de voir est en déclin, le romancier, lui, cherche en effet à nous faire découvrir et comprendre les plaies profondes  dans nos sociétés. Pour Cheikhna Diop, ce n’est rien d’autre que la situation de l’homme en tant que morceau de chair qui entretient des illusions avec soi-même, le conduisant à la perte de conscience, de dignité face aux défis de la vie et aux risques de dégénérescence. En tant qu’artiste qui travaille selon des règles rigoureuses pour nous faire capter son message et nous inciter à la réflexion, Cheikhna Diop considère l’écriture comme un instrument critique de diagnostic d’une société permissive qui laisse tout à son goût au point d’enlaidir la vocation suprême de l’amour. Un amour factice liant des familles – sous le coup du hasard – et dont les promesses sont invisibles et même destructrices pour ceux qui en sont victimes. La rencontre inespérée de Dior, personnage-narrateur, et de Aidara Diop prouve par contre que l’amour est comme une magie extraordinaire, une substance intemporelle qui nous met au défi de corriger notre être en étant pleinement humains. A l’opposé de la relation liant Dior elle-même et son époux Ibra Deguene. « L’amour n’est pas une ressource que l’on peut extraire et transformer avec des produits cliniques et du travail, pour valoriser le capital d’un salaud. Comme le temps lui-même, tu te laisses porter par lui jusqu’à ce qu’il en ait fini avec toi », pense l’érudit amérindien Tyson Yankaporta dans l’excellent Magazine Emergence.

Ce constat de Tyson Yankaporta apporte un éclairage puissant sur le fait que l’amour n’est pas une ressource que l’on peut retenir ou transformer en super-pouvoirs et domination, ni la plier à notre volonté. L’amour, c’est le respect, l’intimité, la gloire d’être soi-même, la communion, la compréhension, l’envie de secourir l’autre dans la plus grande bienveillance.

La transformation de soi passe par les épreuves difficiles

L’union sacrée entre Ibra Deguene et Dior semble confirmer cette appréhension intuitive que nous avons de cette réalité. Malgré les présages sombres autour de ce mariage, c’est tout de même ce fil conducteur thématique qui va couvrir tout le roman avec des hauts et des bas, alliant sombres défis et espoirs, promesses égarées et désespoirs.  Dior, une femme au caractère à la fois tendre et solide, ne connait que souffrance, abandon, voire transformation – c’est peut-être la formulation la plus simple du processus de la vie. Il faut peut-être y voir un avantage : la cruelle bonté de la vie est que notre point d’appui pour la transformation est la dévastation de nos espoirs et de nos souhaits – les pertes, les chagrins qui brisent notre moi profond. L’auteur, Cheikhna Diop, propose ainsi un roman aux allures purement psychologiques en pointant du doigt la crise de l’esprit, une crise psychophysique marquée par l’effondrement du cœur et de l’amour. Une crise spirituelle couvrant d’autres crises, notamment sociales, morales et religieuses.

L’ESPOIR D’UNE VIE HEUREUSE, c’est aussi un roman d’apprentissage pour le personnage principal, Dior. Il nous apprend également sur la vie sociale, les fléaux tels que la drogue, le mensonge social, la violence, mais également sur nos valeurs personnelles,nos croyances, parcourant du coup nos identités particulières, notre faculté de jugement, nos raisons d’agir, notre attachement au désir, au mal… Je conseille vivement la lecture de ce brillant roman !

TEXTE LU PAR AMINATA BINETOU NDIONE, ÉLÈVE EN CLASSE DE TERMINALE STEG

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici